Dernière mise à jour : 18 février 2021
Le smartphone représente au mieux l’état d’art actuel des technologies de l’information et de communication (TIC). Il est devenu aujourd’hui le doudou numérique des enfants et l’enfant numérique de leurs parents.
Wikipédia, l’encyclopédie libre sur le web, décrit le smartphone comme «téléphone mobile disposant en général d’un écran tactile, d’un appareil photographique numérique, des fonctions d’un assistant numérique personnel et de certaines fonctions d’un ordinateur portable».
Le SmartPhone est un des objets les plus compliqués en vente sur Terre. Il contient le savoir de 17 prix Nobel de physique. Sa puissance de calcul dépasse largement celle des ordinateurs employés pour la mission Apollo 11. Il peut être manipulé par un enfant de bas âge sans notice d’utilisation.
La carte mentale ci-dessus documente la naissance du smartphone à travers cinq générations. Je me trouve au milieu de cette généalogie. Je suis donc bien positionné pour regarder en arrière et en avant pour juger comment les TIC ont changé la société au Luxembourg.
On découvre dans cette carte les outils d’information et de communication de la vie journalière qui étaient disponibles aux moments de la fondation d’une nouvelle famille. Dans le passé c’était en général lors du mariage d’un homme et d’une femme, mais aujourd’hui c’est plus nuancé. De nombreuses familles sont monoparentales ou recomposées, quelques enfants ont deux mères ou deux pères, respectivement un parent 1 et un parent 2 . On vit ensemble, on se pacse, on se sépare. C’est rarement la faute du smartphone.
Avec chaque génération les TIC utilisées par les enfants dans les jeunes familles sont devenues plus nombreuses et plus performantes. Le point culminant est l’arrivée du smartphone. Il combine dans un seul objet toutes les applications de l’information et de communication du passé. Accompagné d’un poste de télévision équipé d’un large écran plat, le smartphone suffit à lui seul à remplir les besoins journaliers en TIC de la société du savoir.
Les arrière-arrière-grands-parents
Les arrière-arrière-grands-parents de la génération Smartphone, donc mes grands-parents, sont nés à la fin du XIXe siècle. Ils ont connu les misères et malheurs de la grande guerre qui s’est déroulée de 1914 à 1918. Après la fin de cette première guerre mondiale, il se sont mariés en 1919. De cette union sont nés trois fils. Mon père, le cadet, est le seul qui a pu suivre un enseignement secondaire et obtenir un bac.
Mes grands-parents étaient des paysans qui vivaient dans une région rurale. Ils avaient quelques vaches, quelques cochons, des poules et des lapins. Pour s’informer, on avait le Luxemburger Wort. Pour écouter de la musique, il fallait la créer soi-même, par exemple avec un accordéon. La communication se faisait de face en face, sauf en cas d’urgence, on envoyait un télégramme ou on se déplacait à la cabine téléphonique la plus proche.
Au début du XXe siécle les TIC étaient donc encore rares. Elles se limitaient au télégraphe et aux premières installations téléphoniques. En 1919, on comptait 875 postes téléphoniques murales du type Boettcher avec microphone et de 4.515 postes d’un nouveau modèle du type stf03 au Grand-Duché.
L’appareil Boettcher avec microphone à charbon constituait une amélioration des premiers appareils téléphoniques qui étaient équipés d’une embouchure (cornet) pour capter les sons de la voix de l’utilisateur. Une membrane métallique, mise en vibration par les ondes acoustiques, induisait un faible courant électrique dans une bobine, disposée autour d’un aimant derrière la membrane. Le courant électrique généré par cet émetteur était transporté à distance vers un dispositif analogue, appelé récepteur, où une membrane, mise en mouvement par le courant, restituait les ondes acoustiques originales. Comme le courant électrique était faible, la communication téléphonique se passait bien entre deux correspondants situés à faible distance. A partir d’une distance de quelques dizaines de kilomètres, la communication était à peine audible. Les deux récepteurs attachés à un appareil téléphonique de l’époque ne permettaient non seulement à un deuxième interlocuteur d’écouter la conversation, mais ils facilitaient également à un seul utilisateur de mieux entendre son correspondant en tenant les deux écouteurs près des oreilles.
Les premiers appareils téléphoniques installés au Luxembourg étaient donc basés uniquement sur l’effet électrodynamique, breveté par Graham Bell. Dans les pays voisins on avait déjà remplacé les capteurs de sons magnétiques par des microphones à charbon. Le physicien anglo-américain David Edward Hughes avait mis à point un tel dispositif à partir de 1878 pour améliorer le transmetteur téléphonique de Graham Bell. Le désavantage du microphone à charbon était l’ajoute nécessaire d’une pile électrique locale dans les appareils.
A partir de 1897, l’Admininistration des Postes et Télégraphes procéda progressivement à la transformation des 1.500 appareils Boettcher originaux installés dans le réseau téléphonique, respectivement au remplacement par le nouveau modèle stf03. A la demande des abonnés, les services techniques de l’administration enlevèrent l’appareil Boettcher pour remplacer, dans leurs ateliers, l’embouchure et le transmetteur Bell par un microphone à granules de charbon. Une pile sèche, logée dans une petite armoire en bois, fut fixée à l’extérieur du caisson. L’inducteur, actionné par une manivelle pour appeler le bureau téléphonique, restait en place dans le caisson de l’appareil. La procédure d’échange s’est terminée en 1906 et les appareils sans microphone, remplacés par des modèles plus récents, furent vendus comme rebut à un ferrailleur en 1911.
Lors de la mise en service de la première liaison téléphonique internationale avec la Belgique, les ingénieurs de l’Administration belge exprimaient leur inquiétude au sujet de la qualité médiocre des microphones à charbon utilisés au Luxembourg. Les abonnés luxembourgeois comprenaient trés bien leurs correspondents belges, tandis que ceux-ci n’entendaient que très difficilement la voix des personnes luxembourgeoises.
L’Admininistration des Postes et Télégraphes luxembourgeoise était contrainte de chercher un modèle plus perfectionné. Dès 1907, un nouveau appareil mural, équipé d’un port-microphone mobile qui pouvait être déplacé vers le haut et vers le bas, fut installé. Ces postes téléphoniques du type stf03 ont été fournis par la firme Siemens et Halske de Berlin.
Quand mes grand-parents se sont mariés en 1919, le nombre d’abonnés au téléphone dépassait 5.000 unités, mais les raccordements étaient concentrés à Luxembourg et dans les autres grandes localités. Les utilisateurs étaient des notables, commercants, artisans et quelques rares personnes privées.
A la campagne, l’existence du téléphone était peu connue. Il fallait se déplacer dans une cabine publique pour téléphoner, par exemple pour appeler un médecin en cas d’urgence. On comptait 71 cabines publiques de l’Etat et 238 cabines publiques communales à travers le pays en 1919.
Les arrière-grands-parents
Les arrière-grands-parents de la génération Smartphone étaient mes parents.
Leur adolescence était marquée par l’invasion allemande et la deuxième guerre mondiale. Malgré les douleurs, restrictions et obstacles liés à l’occupation, mon père et ma mère ont pu terminer avec succès leurs études secondaires.
Après la guerre, mes parents se sont mariés en 1948. Je suis né en 1951. Je n’ai aucun souvenir des premières années de ma vie. En 1954, nous avons déménagé à Cessange dans la première cité construite par la Société Nationale des Habitations à Bon Marché (SNHBM).
A partir de ce moment, j’ai des bribes de mémoire concernant ma jeune enfance. Entretemps j’avais une première soeur et un premier frère. Mon père était employé de banque, ma mère était femme au foyer. Je me rappelle qu’on était une des seules familles dans la jeune cité qui disposait d’un téléphone. Et ce n’était pas rare que quelqu’un téléphona chez nous pour parler à un des habitants de la cité. Ma mère m’envoyait alors sonner chez le voisin concerné pour l’appeler au téléphone. C’était une mission que je n’aimais pas. J’étais timide et j’avais peur de parler à des adultes.
Inversément, les voisins venaient régulièrement chez nous pour faire des appels téléphoniques. A la fin de la communication, l’utilisateur remettait deux pièces de un franc à ma mère. C’était le prix d’une communication dans le secteur local à l’époque. Je me souviens de discussions entre mon père et ma mère lors de la réception de la facture téléphonique au sujet des durées et des destinations des communications établies par les tiers. Comme une facture détaillée n’existait pas encore, il n’y avait pas moyen de vérifier si les voisins avaient payé le prix correct. En 1964, le prix d’une conversation a été augmenté à 3 francs.
Au début des années 1950 on comptait 16.800 abonnés au téléphone qui étaient raccordés à 51 centraux téléphoniques. Parmi ces centraux, 16 étaient équipés d’un commutateur automatique. Il s’agissait de commutateurs Strowger installés par les firmes Thomson-Houston de Paris et Siemens-Halske de Berlin, ainsi que de commutateurs Rotary installés par la société Bell Telephone Company d’Anvers. Deux abonnés raccordés à un tel central automatique pouvaient correspondre entre eux sans l’intervention d’un opérateur par la seule manoeuvre du cadran d’appel. Les abonnés raccordés aux autres 35 centraux continuaient à passer par un bureau de commutation manuelle, comme au début de l’introduction du téléphone.
Les premières années après la fin de la guerre le service technique de l’Administration des PTT était occupé à la reconstruction du réseau téléphonique. En 1950 le Gouvernement fut autorisé à procéder à la modernisation et l’automatisation intégrale des 51 centraux téléphoniques du pays moyennant l’approbation par la Chambre des Députés d’un crédit de 300 millions francs luxembourgeois. Les travaux furent confiés aux firmes Siemens-Halske de Munich et Albiswerk AG de Zurich et ont été achevés en octobre 1963.
La priorité du programme d’automatisation avait été donnée à la création du secteur téléphonique de Luxembourg. En août 1954, le central principal de Luxembourg hébergeait le commutateur EMD (Edelmetall-Motor-Drehwähler) le plus grand au monde.
La cité de Cessange faisait partie de ce secteur. Mes parents étaient en sorte des pionniers de l’utilisation d’un commutateur téléphonique automatique EMD.
Un autre souvenir vague qui me revient est l’oeil magique de notre radio à la maison qui me fascinait. Je me suis amusé à régler et à dérégler la fréquence d’une station radio pour voir bouger cet indicateur visuel d’accord et de qualité de réception sur les postes radiophonique à tubes de l’époque. L’ingénieur américain Allen B. DuMont a inventé ce tube à lampe très particulier en 1932. Les premières émissions de radio en langue luxembourgeoise ont été diffusées sur la bande FM en 1958, initialement uniquement le matin, le midi et en début de soirée. En 1959 le journaliste Nic Weber a été engagé par RTL Radio Lëtzebuerg pour mettre en place un programme complet en langue luxembourgeoise sur la fréquence FM 92,5. Il a été diffusée par l’émetteur de Junglinster, ensuite à partir de 1970 par l’émetteur de Hosingen. A partir de 1965 toute la famille s’est réunie autour de la radio pour écouter l’émission “Um Staminet”, éditée par Pir Kremer et présentée par lui et son équipe : Léon Blasen, Micky Bintz-Erpelding et Tilly Jung.
Léon Blasen et Pir Kremer étaient des amis de mes parents. Le premier habitait dans notre cité à quelques maisons près. Pir Kremer habitait avec sa famille au fond du vieux village de Cessange.
Lors de mon enfance on n’avait pas de poste de télévision, ni de voiture. Ma mère avait cependant une amie, Elise Mendels, qui disposait à la fin des années 1950 ou début des années 1960 d’une télévision noir et blanc et d’une DAF, la première voiture produite en série avec une transmission automatique Variomatic. Elise Mendels était secrétaire de direction auprès de l’ARBED. Pour certains événements spéciaux, comme le concours Eurovision de la chanson qui débutait en 1956, ma mère nous emmenait chez son amie pour regarder ces émissions sur le petit écran noir et blanc du téléviseur.
Un équipement qui m’intéressait particulièrement était un magnétophone à bandes magnétiques. Il ne se trouvait pas chez nous à la maison, mais auprès de mes grands-parents du côté de ma mère. Ceux-là étaient liés d’amitié à un couple allemand, orginaire d’Aix-en-Chapelle. Il s’agissait d’artistes musicaux qui voyageaient beaucoup. Je ne me rappelle que de leurs prénoms, Max et Gretel. Quand ils ont acquis un nouveau magnétophone pour enregister leurs chansons, ils ont offert l’ancien équipement à mes grands-parents, y inclus les microphones et autres accessoires. Lors des visites chez mes grand-parents, je ne manquais pas de jouer avec le magnétophone et d’enregistrer mes paroles. C’était étrange et curieux d’entendre ma propre voix. Mes grand-parents m’ont emmené quelques fois en voiture à Aix-en-Chapelle pour visiter Max et Gretel. Mon grand-père roulait avec une Vauxhall qui avait le levier de vitesse au volant. Une fois passé en troisième vitesse il ne touchait plus le levier durant tout le trajet. Je me rappelle le bruit bizarre dégagé par la Vauxhall quand elle roulait au ralenti. Pour trouver le chemin, mes grands-parents disposaient d’un guide Michelin. J’ai un vague souvenir des discussions animées entre mes grand-parents quand on se perdait sur la route suite aux instructions données par ma grand-mère.
Je n’ai jamais vu mes parents faire des photos. Mais moi, j’avais reçu un appareil Kodak Brownie Fiesta comme cadeau pour mon douzième anniversaire. J’ai réalisé mes premières photos lors d’un camp scout au Mariendall au début des années 1960. Mon grand-père faisait beaucoup de photos avec un ancien appareil Ihagee Ultrix. Il coupait souvent la tête des personnes photographiées. Quand j’ai comparé les deux appareils, j’ai compris pourquoi. Contrairement à ma Kodak-Box, son appareil ne disposait pas d’un vrai viseur.
Les grands-parents
Je suis le grand-père de la génération Smartphone.
J’ai effectué mes études secondaires au Lycée des Garçons au Limpertsberg, section moderne. Au milieu des années 1960, mes parents ont divorcé, quelques années avant le vingtième anniversaire de leur mariage et malgré le fait qu’on était devenue une famille dite nombreuse. En 1960 ma deuxième soeur et mon deuxième frère étaient nés, des jumeaux. Le divorce ne s’est pas passé à l’amiable, au contraire. Quelles années gachées dans la suite. Notre maison à Cessange fut vendue aux enchères et ma mère a déménagé avec les enfants dans un appartement loué à Bonnevoie. Mon père s’est installé à Strassen.
En 1969, après six années d’études secondaires, j’ai obtenu mon bac. Dès mon enfance je voulais devenir ingénieur. Comme mon choix professionnel n’avait pas changé, il fallait trouver un institut de formation correspondant. J’avais introduit une demande auprès de trois universités : Caen, Toulouse et Zurich. A la réception d’une réponse positive pour les trois candidatures, mon choix s’est porté sur Zurich. Sans aucune préparation, je suis parti avec le train à Zurich, en septembre 1969, dans la nuit d’un dimanche, pour y arriver le lundi matin avant 8 heures et me présenter au premier cours à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich (EPFZ).
Le même jour j’ai commencé à chercher une chambre d’étudiant, sans succès. Le soir j’ai repris mes bagages dans la consigne des bagages à la gare centrale et j’ai passé ma première nuit à Zurich dans un petit hôtel. Les jours suivants j’ai multiplié les efforts pour trouver une chambre, même dans les alentours de la ville, en vain. Je suis revenu à Luxembourg le week-end, sans enthousiasme pour retourner à Zurich.
Entretemps ma petite amie, qui est devenu dans la suite mon épouse, avait contacté, avec le soutien de son frère ainé, des connaissances à Zurich qui ont arrangé un hébergement pour moi auprès d’un couple de personnes âgées. Elles habitaient une vieille maison dans un quartier tranquille, non loin du bâtiment central de l’école polytechnique. Je suis retourné à Zurich et bien que la solution d’hébergement ne constituait qu’un provisoire, je suis resté presque une année dans la chambre que mes hôtes avaient vidé pour m’accueillir.
Le contact avec mon amie se passait essentiellement par la poste. Pendant mes études à Zurich nous avons échangé plusieurs centaines de lettres. La communication téléphonique était plus compliquée. En 1963 l’automatisation internationale du téléphone entre le Luxembourg et la Suisse a été introduite, mais il fallait encore disposer d’un appareil téléphonique. Les cabines téléphoniques publiques à Zurich disposaient d’un numéro d’appel affiché sur la paroi. En se donnant rendez-vous à une heure fixée d’avance et avec un peu de chance de trouver la cabine téléphonique libre, mon amie pouvait m’appeler et on pouvait se parler.
J’étais l’unique étudiant luxembourgeois inscrit dans la première année d’études en électrotechnique à l’EPFZ. J’ai appris par après qu’à cette époque le nombre de luxembourgeois admis à l’école polytechnique était très limité. Le cercle des étudiants luxembourgeois était donc restreint et ce n’est qu’après plusieurs mois après mon arrivé à Zurich que j’ai pu nouer des contacts avec des compatriotes. Grâce à cette communauté, j’ai trouvé une chambre dans une maison de logement. Fernand Muller, qui était en dernière année d’études d’ingénierie en mécanique, m’informa qu’une chambre allait se libérer dans le logement qu’il occupait. C’était une chambre meublée assez petite, située au parterre d’une maison de plusieurs étages, avec une salle de bain et une toilette commune au premier étage. Une femme de ménage se chargeait du nettoyage journalier des locaux communs. Je pense que nous étions les seuls étudiants, les autres chambres étaient occupées par des personnes actives. Malgré le peu de confort, je suis resté jusqu’à la fin de mes études dans ce logement qui avait l’avantage d’être au centre de la ville de Zurich et d’offrir une indépendance complète. Ainsi mon amie a pu me rendre visite à Zurich, une première fois pendant un weekend en 1971.
Dans les cours de mathématiques on utilisait la règle à calcul classique pour les opérations scientifiques. En 1972, Hewlett Packard lançait la première calculatrice scientifique HP 35 qui est devenu célèbre sous le nom de « règle à calcul électronique ». Une année plus tard je m’offrais cette merveille qui coutait 35.000 francs luxembourgeois.
Dans les cours informatiques on devait encoder ses programmes sur cartes perforées et les déposer dans un bac d’entrée au centre de calcul de l’EPFZ. Le centre était équipé d’un ordinateur CDC 6500/6400. Il s’agissait d’un super-ordinateur de la société américaine Control Data Corporation, produit à partir de 1967. C’était une évolution du CDC 6600, le premier ordinateur utilisant un processeur multi-cœur superscalaire. Seymour Cray en a été son concepteur et Niklaus Wirth, professeur d’informatique à l’EPFZ, a développé son langage Pascal sur cette machine.
Le lendemain du dépôt de son programme, on pouvait récupérer les résultats sous forme d’une liste imprimée sur papier continu. Souvent il n’y avait qu’une seule feuille avec un message d’erreur cryptique. Il fallait alors trouver la faute, corriger les cartes perforées et recommencer la procédure. Des fois on recevait toute une liasse de feuilles, marquée de la mention “erreur grave” par feutre rouge et la remarque que l’opérateur a du interrompre manuellement le calcul à cause d’une boucle mal programmée.
Mon premier stage pratique obligatoire était organisé par l’EPFZ. Il a eu lieu auprès de la firme Zellweger AG à Uster, une commune suisse du canton de Zurich. Cette société de télécommunications fabriquait à l’époque des systèmes radar pour la surveillance de la vitesse sur les routes. J’ai effectué les autres stages pratiques à Luxembourg. En 1972 j’ai travaillé pendant six semaines au service informatique de l’ARBED sous la direction de Norbert Rischette. J’ai découvert dans ce service le langage de programmation PL/1 développé par IBM. Sa syntaxe ajoutait aux idées du langage de programmation FORTRAN certaines idées de COBOL et d’ALGOL. J’ai également effectué un stage de six semaines auprès du centre de développement de Dupont de Nemours à Contern. Ma première journée était plein d’émotions. J’ai été impressionné par la culture de sécurité qui existait dans cette entreprise. Dans les escaliers il fallait toujours tenir la balustrade. Peu après mon arrivée toute l’équipe de l’étage ou je me trouvait était conviée dans la salle de conférence pour débattre au sujet d’un incident de sécurité sévère. Des ciseaux étaient tombés du bureau d’un ingénieur sur le plancher. Dans l’après-midi le jeune ingénieur qui devait m’encadrer fut informé qu’il était chargé d’une mission urgente dans la maison mère à Wilmington (Delaware) des Etats-Unis. Il était appelé à partir le lendemain pour une durée de deux mois. Comme il était père d’un nouveau-né de quelques semaines, il n’était pas enchanté. Globalement les stages étaient très enrichissants pour moi et j’ai surtout appris ce que je ne souhaitais pas faire après mes études.
Pour garder des souvenirs de mon séjour à Zurich et des visites de mon amie, j’avais acquis au début des années 1970 une caméra Super-8 compact Bolex 233 et un appareil photo Soligor TM. Ce dernier était un des seuls reflex mono objectif qui permettait de changer le viseur. A côté du viseur classique, Soligor proposait un viseur de poitrine pliant, des viseurs verticaux à différents grossissements et un viseur prisme avec cellule CDS.
Fin 1973 j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur en électrotechnique. Georges Moschytz, professeur de télécommunications à l’EPFZ, me proposa alors un poste d’assistant à son Institut que j’ai accepté sans hésiter. Georges Moschytz a gagné une certaine notoriété grâce au filtre adaptatif qui porte son nom.
A partir du 1er janvier 1974, ma nouvelle vie d’assistant scientifique à Zurich débutait. Quelques semaines plus tard, je me suis marié avec mon amie de longue date. Au lieu de faire un voyage de noces, nous avons chargé nos cadeaux de mariage et nos affaires personnelles dans la coccinelle de mon épouse qu’elle avait hérité de son père, décédé quand elle avait 18 ans, et nous sommes partis ensemble pour aller vivre à Zurich. L’importation de notre mobilier en Suisse à la douane de Bâle ne se faisait pas sans problèmes. Après de longues discussions, on nous laissait passer et on s’installait dans un petit studio meublé qu’on venait de louer à Zurich.
Mon épouse ne tarda pas à trouver un emploi comme secrétaire demi-tâche à l’Institut « Höhere Elektrotechnik » de l’EPFZ, dirigé par le professeur Maximilian Julius Strutt. C’était un chercheur de renommée mondiale, détenteur de nombreux brevets et éditeur de nombreux livres et publications techniques. Ses droits à la retraite lui ont été accordés au courant de 1974 et son institut fut transformé dans le nouveau institut d’électronique de l’EPFZ sous la direction de Walter Guggenbühl, un ancien doctorant de Max Strutt.
Une partie du personnel de l’institut des télécommunications fut transféré au nouveau institut d’électronique et j’ai pu profiter de cette occasion pour rejoindre mon épouse et trouver ainsi des amis et collaborateurs communs.
Pour être informé de ce qui se passe dans le monde, on décidait de s’équiper d’un poste de télévision. La télévision couleur était encore jeune. Elle a été introduite en 1967 et les appareils en couleur étaient encore chers. A Zurich plusieurs sociétés pratiquaient la location de téléviseurs à des prix raisonnables. On se décidait pour un poste TV Trinitron de la marque Sony, de taille moyenne. Notre petit studio ne permettait pas l’installation d’un poste à grand écran.
Après une année, on a déménagé dans un vieux appartement plus spacieux dans un quartier au sud de Zurich, appelé Wollishofen. Bien qu’il y avait un arrêt de tram à proximité de notre nouvelle adresse, on utilisait des fois notre ancienne voiture VW pour aller en ville. On avait dû échanger les plaques d’immatriculation luxembourgeoises par des plaques suisses. Lors d’un déplacement, j’ai été photographié pour excès de vitesse par un radar Multinova de la firme Zellweger dont la fabrication m’avait fasciné lors de mon stage à Uster.
C’était ma première rencontre désagréable avec les TIC.
Quand on faisait des excursions plus lointaines avec la voiture pendant les week-ends, on utilisait des cartes routières Michelin. Personne ne pouvait s’imaginer alors que le géo-positionnement par satellite (GPS), mis en place par le département de la Défense des États-Unis à des fins militaires à partir de 1973, allait s’ouvrir au civil plusieurs années plus tard.
A partir de 1974, l’Action Nationale suisse avait lancé plusieurs initiatives contre l’emprise étrangère et le surpeuplement de la Suisse. Elle demandait une limitation du nombre d’étrangers résidents en Suisse à 500 000 personnes et à 12 % de la population de chaque canton. Bien que les référendums populaires successifs ont été rejetés chaque fois par une majorité de la population, le bureau de l’emploi de la ville de Zurich ne prolongeait plus l’autorisation de travail de mon épouse. La lettre d’information afférente était signée par une « Fräulein Bindschaedler » en spécifiant que mon épouse pouvait rester en Suisse « zwecks Verbleib beim Gatten ». Malgré l’intervention de la Direction de l’Institut avec l’argumentation qu’on ne trouvait pas de secrétaire qualifiée pour remplacer mon épouse, la police étrangère restait sur sa position. Le professeur Guggenbühl était donc obligé de licencier ma femme. Comme elle était enceinte à ce moment et souhaitait rester à la maison pour s’occuper du bébé après la naissance, le licenciement n’était pas trop gênant.
Quelques semaines plus tard m’a propre autorisation de travail n’a été prolongée que de trois mois. Je ne voulais pas prendre le risque de me trouver soudainement sans emploi, avec la responsabilité parentale pour un bébé, et j’ai donc commencé à chercher un travail au Luxembourg. Cette aventure est décrite dans un autre chapitre de ce livre.
Au début des années 1980, on était depuis quelques années de retour au Luxembourg et on habitait dans un appartement spacieux et confortable loué à Bertrange, avec deux enfants. On disposait d’un poste de TV couleur, ramené de Zurich, d’un projecteur Super-8 avec une piste sonore et d’un double projecteur de diapositives pour regarder nos souvenirs filmés et photographiés en Suisse.
Pour écouter et enregistrer de la musique et pour s’informer, on avait un système HiFi stereo compact, équipé d’un tourne-disque, d’un enregistreur de cassettes audio et d’un récepteur radio multi-bandes. Notre téléphone fixe était de couleur rouge avec des touches. Et pour s’amuser on avait une des premières petites consoles de jeu portables Ninetendo Game & Watch, avec une animation de Walt & Disney. Le défi consistait à faire bouger Micky Mouse de gauche à droite et de haut en bas pour attraper des oeufs qui sortaient des cages de poules, à un rythme de plus en plus rapide, sans faire une omelette.
Sur le plan des TIC nous étions donc à la pointe du progrès. Et je viens de me rendre compte que nous étions la première génération qui n’a pas connu de guerre dans le pays. Comme enfants nous étions témoin de la fondation de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1951 et de la formation de la Communauté économique européenne (CEE) en 1957, sans toutefois saisir l’impact de ces organisations sur la société et sur la vie journalière.
Les parents
Les parents de la génération Smartphone sont mes enfants, devenus adultes et ayant fondé une famille.
C’est la première génération qui a bénéficié des avantages de l’union européenne. L’accord de Schengen, signé en 1985, a facilité la libre circulation des personnes entre les pays européens. L’introduction de l’euro par la mise en circulation d’une monnaie unique européenne le 1er janvier 2002 a ajouté un confort supplémentaire pour se déplacer en dehors de nos frontières. Sans oublier le programme Erasmus (EuRopean Action Scheme for the Mobility of University Students), lancé en 1987, qui permet l’échange d’étudiants et d’enseignants entre les universités et les grandes écoles européennes à travers le monde entier.
En 1985, le fils du propriétaire de notre appartement à Bertrange nous informa qu’il allait se marier et que ses parents lui offraient l’appartement comme cadeau de mariage. Notre bail de location a donc été résilié pour usage personnel. Nous décidâmes d’acheter une maison pour éviter une deuxième fois une telle surprise. Comme les prix des maisons aux alentours de la ville de Luxembourg étaient hors de notre portée, on se focalisait sur Rodange, localité natale de mon épouse, pour chercher une nouvelle habitation. Par chance on trouvait une maison unifamiliale dans les délais requis. En août 1985 on déménaga à Rodange et une nouvelle étape de vie commençait.
Sur le plan des TIC la génération des parents a profité de nombreuses innovations. Le téléphone fixe avait perdu son cordon et il était devenu portable à l’intérieur de la maison, grâce à l’introduction du standard DECT en 1993. Il était suivi de près par les premiers téléphones mobiles sur le réseau LUXGSM, inauguré en juillet 1993. Le tourne-disque vinyl a été remplacé à la fin des années 1980 par le lecteur optique pour les disques compacts (CD), développé par Sony et Philips et lancé en 1982. Le lecteur de cassettes musicales avait évolué vers un dispositif portable avec la commercialisation par Sony du Walkman en 1979.
A la fin des années 1980 mes enfants regardaient des vidéo-cassettes avec des films enregistrés sur leur poste de télévision équipé d’un système VHS intégré. Je disposais à l’époque d’un ordinateur personnel ATARI 1040 ST que mes enfants utilisaient pour jouer au Pacman ou à d’autres jeux vidéo en vogue. Au lycée personne ne savait ce qu’était une règle de calcul. Tout le monde disposait de sa petite calculatrice scientifique.
Mes filles étaient témoins de l’arrivée de l’Internet au Luxembourg au début des années 1990 et de son évolution fulgurante. Ma fille cadette a participé au projet de téléformation Cyberfox lancé par Georges Barthel au Lycée Michel Rodange en 1996. Lors d’un stage écologique en Bretagne, organisé par le lycée à la fin des années 1990, elle avait emporté mon camcorder portable VHS-C pour filmer un reportage sur les activités de sa classe.
Les enfants
La génération Smartphone est constituée par les enfants nés aprés 2007, l’année ou Steve Jobs, le PDG de la société Apple, a présenté le premier iPhone qui a popularisé le smartphone partout dans le monde. Mes petits-enfants font partie de cette génération. Ils ont le privilège d’apprendre dans ce livre une partie de l’histoire familiale de leurs ancêtres. Les parents, grand-parents, arrière-grands-parents et arrière-arrière-grands-parents des autres enfants ont certainement eu d’autres vies que celles de ma famille, mais en ce qui concerne l’utilisation des TIC, leur histoire n’est probablement pas très différente. Ces enfants ont la possibilité de demander à leurs parents et aïeux comment ils ont vécu l’évolution des TIC, avec ce livre à l’appui.
Les smartphone-natives ont pris possession de ce doudou numérique dès leur bas-âge. Ils ont rapidement appris comment faire des selfies. Cette génération n’a certes pas connu les misères d’une guerre, mais elle a été éprouvée par la pandémie COVID-19 qui est apparue au Luxembourg au début de l’année 2020. Et ces enfants vont être perturbés encore longtemps par les répercussions de ce virus.
Ce livre est dédié à cette génération Smartphone. Pour informer leurs membres au sujet des technologies et infrastructures qui existaient avant le smartphone. Certaines techniques et équipements ont disparu ou sont oubliés aujourd’hui. D’autres ont évolué et leurs prédécesseurs sont entrés dans les musées. Beaucoup de projets ont été des réussites, quelques uns ont échoué. Dans tous les cas ils ont été réalisés par des femmes et hommes compétents et motivés. J’espère que chaque jeune lecteur puisse découvrir parmi les pionniers présentés dans ce livre un membre de sa propre famille, une grand-mère, un grand-père, une tante, un oncle, ou des arrières grand-parents, et peut-être apprendre des facettes de leur vie qu’il ignorait jusqu’à présent.
Mais avant de dresser l’histoire des TIC au Luxembourg, nous allons faire connaissance de la famille du Smartphone et explorer l’évolution des outils multimédia.
La famille du Smartphone
Le smartphone a sa propre famille. Des parents, des frères et soeurs, des cousins et cousines, et tout un écosystème pour l’entretenir. La carte mentale affiche quelques représentants typiques de ses ancêtres et de sa fratrie, de son environnement, de ses applications intégrées et des accessoires disponibles sur le marché..
Les applications du smartphone
Le smartphone est un multitalent. La figure qui suit montre le détail des applications dépictées dans la carte mentale.
Sans être exhaustive, la liste suivante relève la panoplie des services et outils que le smartphone peut fournir :
- accéder aux horaires du transport public
- animer le visage d’un avatar
- consulter ses comptes bancaires
- consulter un dictionnaire ou une encéclopédie
- éclairer l’obscurité avec la lampe de poche
- écouter la radio
- lire un journal ou un livre
- localiser sa position avec GPS
- naviguer sur Internet
- participer à des visioconférences
- photographier un objet ou un événement
- payer ses achats dans un magasin
- payer une facture en ligne
- réaliser et partager une vidéo
- se détendre avec un jeu électronique
- se renseigner sur la météo
- téléphoner
- traduire un texte
Quelques-unes des applications énumérées font partie du système d’exploitation, mais la majorité est développée par des sociétés tierces ou des développeurs indépendants.
Certains parents des smartphones disposaient d’une plateforme Java Micro Edition embarquée (J2ME) qui permettait de télécharger et d’exécuter des petits programmes. La figure qui suit montre quelques anciennes applications mobiles luxembourgeoises sur un transparent extrait d’une présentation que j’ai effectuée en 2002 à l’intention du Conseil d’Administration de l’Entreprise des P&T.
Les accessoires du smartphone
La carte SIM est un accessoire indispensable, la carte mémoire est recommandée pour étendre le stockage des média et des applications enregistrés dans le smartphone. Jusqu’en 2017 la carte SIM était une vraie carte physique. Au début elle avait la taille d’une carte de crédit, mais avec les années elle est devenue de plus en plus petit. La gestion des cartes SIM par les usagers, opérateurs et constructeurs est onéreuse et certains objets communicants, par exemple les montres connectées, n’ont plus assez de place pour contenir une carte SIM, même si elle est de taille nano. Pour ces raisons une carte SIM virtuelle a été lancée en 2017. Elle s’appelle eSIM et elle est embarquée dans les nouveaux smartphones compatibles. Elle présente de nombreux avantages. Au Luxembourg Orange était le premier opérateur à l’introduire en mars 2020, suivi par POST, ensuite par Tango.
L’accessoire le plus populaire du smartphone est certainement la perche à selfie, en deuxième position range le haut-parleur externe, connecté par Bluetooth, pour écouter de la musique entre amis.
Les bracelets connectés qui fournissent des informations sur l’état de santé de son porteur sont appréciés par les sportifs. Les montres connectées constituent un prolongement du smartphone. Elles préviennent de l’arrivée d’un message, vibrent en cas d’appel et affichent les événements de l’agenda de leurs propriétaires. Les trépieds pour smartphones améliorent la stabilité des prises de vue vidéo.
Moins connus sont les objectifs spéciaux qui s’attachent au boîtier, par exemple la lentille d’agrandissement d’un facteur 150 qui transforme le smartphone en microscope. Elle a été développée en 2014 par Thomas Larson moyennant un financement participatif sur Kickstarter C’était un des premiers projets que j’avais supporté comme investisseur. Sony avait commercialisé en 2013 les objectifs DSX-Q10 et DSX-Q100 qui décuplaient les capacités photographiques du smartphone. C’étaient les premiers appareils photo numériques haut de gamme dépourvus d’un viseur, un concept novateur et exotique. Le pico-projecteur connecté au smartphone permet de projeter des images ou vidéo sur un mur blanc. Le capteur Structure développé par la firme Occipital en 2014 est un vrai scanner 3d attaché au smartphone qui permet de modéliser un objet en relief. J’ai réalisé en 2018 avec un tel capteur un portrait de ma petite-fille pour fabrication d’une figurine colorée moyennant une imprimante 3D. Le dernier cri sont les cadres digitaux connectés au smartphone pour afficher des hologrammes.
L’environnement du smartphone
Pour fonctionner, le smartphone a besoin d’un environnement adapté. Il lui faut d’abord un abonnement à un réseau de télécommunication mobile basé sur une carte SIM (subscriber identity/identification module), respectivement un réseau local avec un routeur WiFi connecté à un raccordement Internet fixe à haut débit.
L’Institut Luxembourgeois de Régulation (ILR) publie un rapport statistique annuel des télécommunications du Luxembourg qui renseigne sur le nombre d’abonnés mobiles, sur le trafic national et international et sur les recettes et parts de marché des différents opérateurs. Le dernier rapport se réfère à l’année 2019 et a été publié en juin 2020. Le chapitre “La téléphonie mobile pour tous” fournit des informations détaillées sur les opérateurs mobiles présents au Luxembourg.
Le smartphone a en outre besoin d’un système d’exploitation et de tout un écosystème permettant aux utilisateurs de télécharger, d’installer et de mettre à jour des applications sur leur téléphone mobile et de les payer, le cas échéant. Aux développeurs de ces applications l’écosystème doit fournir une documentation, une librarie avec des programmes d’interface, des moyens de test et finalement un système de rémunération pour leur permettre de gagner leur vie. Il lui faut en outre une alimentation électrique pour charger régulièrement sa batterie.
En 2020, seulement deux écosystèmes ont survécu. Il s’agit de deux modèles opposés.On parle de duopole. Le premier, le modèle Apple, basé sur le système d’exploitation iOS, est un système intégré et fermé, sous le contrôle total des ingénieurs d’Apple. L’installation et la mise à jour des applications ne peuvent se faire qu’à partir de la boutique AppStore d’Apple. Les développeurs doivent être certifiés par Apple. Leurs applications doivent être munies de leur signature électronique et elles sont testées par les ingénieurs de Apple avant d’être admises dans la boutique en ligne.
Le deuxième écosystème est le modèle Google qui utilise le système d’exploitation emblématique Android. C’est un système ouvert et partagé dont le code est disponible en source-libre. Chaque constructeur peut l’utiliser à sa guise et l’adapter à ses besoins. Les fabricants de smartphones Android les plus importants en 2020 sont l’entreprise coréenne Samsung et les firmes chinoises Huawei et Xiaomi. Le téléchargement de nouvelles applications peut se faire via la boutique en ligne Google Play, mais les constructeurs des smartphones et les développeurs des applications peuvent proposer d’autres canaux pour les installations et mises à jour.
La première approche fournit des produits les plus innovatifs, tandis que la deuxième approche rencontre le plus grand succès commercial.
Apple iPhone
Le grand public a pris note des atouts du smartphone (téléphone mobile intelligent) avec la commercialisation du premier iPhone en 2007. Steve Jobs, le cofondateur décédé de l’entreprise multinationale américaine Apple Inc, a présenté le premier iPhone le 9 janvier 2007. Rétroactivement appelé « iPhone 2G », il est lancé aux États-Unis le 29 juin 2007 et dans quelques autres pays à la fin de l’année 2007.
Au Luxembourg, le premier iPhone n’a pas été commercialisé. Il fallait attendre le modèle iPhone 3G qui est sorti en juin 2008 et qui a été commercialisé en France à partir du 18 juillet 2008.
Grâce à un partenariat avec Orange, les premiers iPhones ont été vendus au Luxembourg par l’opérateur VoxMobile le vendredi 26 septembre 2008, à partir de 18h00, avec deux formules d’abonnement, basées sur un contrat d’une durée de 2 ans. La distribution se faisait dans une seule boutique VoxMobile au centre-ville et la vente était limitée à un appareil par personne. Le stock de 150 exemplaires, disponible initialement, était rapidement épuisé.
LUXGSM S.A., une filiale de l’Entreprise des P&T à l’époque, n’avait pas réussi à finaliser les négociations avec Apple Europe pour vendre ces iPhones dans ses boutiques à cette date. Ce n’est qu’en décembre 2008 que LUXGSM a pu commercialiser l’iPhone 3G. Ce smartphone utilisait le service UMTS des P&T, lancé le 30 juin 2003.
Vingt-cinq modèles différents d’iPhone ont été commercialisés depuis 2007, au moins un chaque année. Ils étaient à chaque fois accompagnés d’une nouvelle version du système d’exploitation iOS. La dernière mouture a été mise à disposition des testeurs comme version 14 beta en juillet 2020. La distribution de cette version a été généralisée en novembre 2020. En général ce sont seulement les modèles les plus récents qui peuvent être mis à jour avec une nouvelle version.
Le modèle le plus récent est l’iPhone 12, introduit en octobre 2020, qui est compatible avec les réseaux mobiles 5G. On estime que Apple a écoulé presque 1 milliard d’iPhones depuis 2007.
Google Android
Le père d’Android est Andy Rubin, un ingénieur américain qui a débuté sa carrière en 1989 auprès de Apple. Android était le surnom que ses collègues auprès de Apple lui avaient donné à cause de sa passion pour les robots. En 2003, Andy Rubin cofonda la startup américaine Android Inc. pour développer un système d’exploitation pour mobiles, basé sur le noyau Linux. La société a été acquise par Google en 2005 pour environ 50 millions US$, ensemble avec les dirigeants de l’entreprise.
Promu vice-président de l’ingénierie, Andy Rubin continua à superviser le développement du système d’exploitation (OS) Android auprès de son nouvel employeur et à planifier la fabrication d’un premier smartphone au nom de code Sooner.
Fin 2005, Apple et Google étaient complémentaires. Le premier était un géant de la fabrication de matériel TIC, le deuxième un géant du développment de logiciels TIC. Les dirigeants des deux entreprises se connaissaient bien. Les employés de Apple racontent que les fondateurs de Google, Larry Page et Sergey Brin, avaient de l’estime pour Steve Jobs, le cofondateur d’Apple, et lui rendaient souvent visite dans son bureau à Cupertino. Eric Schmidt, le PDG de Google de 2001 à 2011, entrait même au conseil d’administration d’Apple en août 2006. Apple et Google avaient un ennemi commun qui dominait les TIC : Microsoft.
Tous les ingénieurs de Google savaient que Apple préparait le lancement d’un smartphone et estimaient que cette innovation pourrait accroître le trafic vers leur moteur de recherche Google Search, qui était leur métier principal à l’époque. Quand Andy Rubin obtenait des informations plus détaillées sur le premier iPhone, il était contrarié. Le produit était plus innovatif qu’il l’avait imaginé et avait le potentiel de révolutionner l’environnement Internet. Il fallait d’urgence réorienter le projet Android en modifiant l’interface usager et en remplaçant l’écran du prototype Sooner par un écran tactil. En outre, au lieu de concurrencer les autres fabricants de mobiles présents sur le marché comme Microsoft, Nokia, Motorola, Blackberry etc, il importait de rechercher des alliés pour mieux se positionner vis-à-vis d’Apple.
Dans la suite, à l’initiative de Andy Rubin, Google a su fédérer 34 compagnies pour créer le 5 novembre 2007 le consortium Open Handset Alliance (OHA). Parmi les membres fondateurs on trouve des fabricants d’appareils comme Samsung, Sony, Motorola, LG etc, des fabricants de semi-conducteurs comme Intel, ARM, Broadcom, Qualcomm, Texas Instruments etc, des opérateurs comme T-Mobile, Sprint, Vodafone, Telefonica, China Mobile, Telecom Italia etc, des développeurs d’applications comme Gemalto, eBay, Nuance Communications, PacketVideo etc. Le projet du smartphone Sooner fut abandonné par Google au profit du nouveau projet Dreamer.
Confrontation Apple – Google
Lors de la présentation du premier iPhone le 9 janvier 2007 au salon commercial MacWorld à San Francisco, organisé par l’éditeur américain IDG (International Data Group), Steve Jobs avait invité Eric Schmidt. Pour montrer l’étroite collaboration entre Google et Apple qui venait de montrer l’intégration de Google Search et de Google Maps dans l’iPhone, Eric Schmidt faisait une blague en proposant la fusion des deux entreprises au nom de AppleGoo.
Toutefois quand Steve Jobs obtenait les premières informations au sujet du protoype du smartphone Dreamer avec le système d’exploitation Android, il piqua une colère et accusait Google d’avoir copié et volé une partie de la technologie de l’iPhone. Il insistait pour arranger une réunion de concertation à haut niveau entre Apple et Google pour débattre au sujet de ces violations. Cette réunion a eu lieu en été 2008 dans la salle de conférence de Larry Page, en présence du PDG Eric Schmidt, de Andy Rubin et de Alan Eustace, le supérieur hiéarchique de Rubin. (Footnote : en 2014 Alan Eustache a brisé le record en chute libre …) Steve Jobs était accompagné par Scott Forstall, le directeur de l’équipe de développement iOS. On va le revoir dans un autre chapitre comme créateur de iMessenger auprès de Facebook.
La climat était désagréable et la réunion se passait mal. Steve Jobs menaçait les dirigeants de Google de les attaquer en justice si le smartphone Dream utilisait une interface tactile multipoint, brevetée par Apple. Malgré les arguments avancés par les représentants de Google, Steve Jobs restait sur sa position. La guerre thermonucléaire entre Apple et Google, promise par Steve Jobs, venait d’être déclenchée.
Le 22 octobre 2008, le smartphone Dream, fabriqué par l’entreprise taiwanais HTC, a été lancé par T-Mobile aux Etats-Unis sous le nom de HTC G1. C’était le premier smartphone utilisant le système d’exploitation Android. Malgré le fait que l’interface multipoint avait été retirée par Google, Steve Jobs considérait que HTC violait plusieurs brevets de Apple et engageait des poursuites contre cette entreprise. C’était le déclenchement de la guerre des brevets qui aurait coûté environ 100 millions US$ en frais d’avocats à Apple, selon une rumeur qui circule dans le milieu de la justice américaine.
En août 2009, Eric Schmidt quitte le Conseil d’Administration de Apple pour éviter d’autres conflits d’intérêt. Après le décès de Steve Jobs le 5 octobre 2011, son successeur Tim Cook tentait de terminer la guerre thermonucléaire entre Apple et Google et la guerre des brevets entre Apple et HTC. Dans la nuit du 10 au 11 novembre 2012, un accord de licence de dix ans a été signé entre Apple et HTC. Le 15 mai 2014, Apple et Google ont décidé d’enterrer la hache de guerre. Dans un document transmis à la justice américaine, ils indiquaient avoir trouvé un accord à l’amiable pour abandonner toutes les poursuites judiciaires engagées dans le passé. Cet accord incluait également les différents entre les deux entreprises qui sont apparus suite à l’acquisition de la division mobile de Motorola par Google en 2012, effectuée à l’initiative de Andy Rubin.
Les ancêtres du smartphone
Le tout premier téléphone portable mobile au monde était le Brick Phone de Motorola. Son vrai nom était DynaTAC. Son concepteur, Martin Cooper, l’a présenté en 1973 à New York comme prototype. Ce n’est qu’en 1983 que cet appareil est devenu un produit viable avec une certification FCC (Federal Communications Commission).
Le DynaTAC a été fabriqué ensuite avec de nouvelles technologies et fonctions pendant plus de dix ans. Le dernier de la série des DynaTAC était le Motorola International 3200, le premier téléphone portable certifié conforme aux standards lors de la mise en service des premiers réseaux mobiles GSM en 1992. A l’époque aucun poste téléphonique GSM n’avait la taille pour le mettre en poche. La majorité des modèles disposait d’un émetteur d’une puissance de 8 watt et avait des dimensions similaires aux dernières générations des téléphones de voiture des années 1980, comme le tout premier appareil GSM, l’Orbitel 901.
Le premier téléphone mobile GSM qu’on pouvait mettre dans sa poche était le Nokia 1011. Son numéro de type correspond à sa date de lancement : le 10 novembre 1992. Ses successeurs étaient les modèles Nokia 2010 et 2110, commercialisés au début de 1994. Jusqu’à l’arrivée de l’iPhone en 2007, Nokia était le numéro un mondial incontesté du secteur des mobiles GSM. Nokia avait alors une part de marché de 37% et vendait un million d’appareils par jour. Ses principaux concurrents étaient Motorola et Samsung.
En ce qui concerne l’écran tactile, ce dispositif qui combine l’affichage avec un sytème de pointage, cette technologie ne date pas d’hier non plus. Ses origines remontent au milieu du 20e siècle. Différentes techniques sont utilisées pour la mise en oeuvre des écrans tactiles : ondes de surface, résistivité analogique, systémes capacitifs, induction, infrarouge, réflexions, déformations. Chacune avait ses avantages et inconvénients. Les équipements à écran tactile qui peuvent être considérés comme des pionniers de cette technologie sont l’ordinateur personnel HP-150 (1983), l’assistant numérique (PDA) Casio IF-8000 (1985), le Linus Write Top (1987) et le Compaq iPAQ (2000).
Le détail de la carte mentale présenté ci-dessous montre la généalogie des ancêtres du smartphone.
Les premiers téléphones GSM utilisaient un système embarqué. Il s’agit d’une combinaison de matériel et logiciel permettant de remplir quelques fonctions spécifiques. Les avantages d’un système embarqué sont le faible coût de développement et de production, la faible consommation et le faible encombrement. On peut considérer cette génération de mobiles comme les grands-parents des smartphones.
La deuxième génération des mobiles disposait d’un système d’exploitation classique comme les ordinateurs. Il s’agit des parents des smartphones.Trois systèmes ont longtemps dominé le marché.
Le premier était Symbian OS, développé en 1998 par le consortium britannique Symbian Ltd sur base du système d’exploitation EPOC32 créé par le constructeur Psion. A coté de Psion le consortium comprenait les firmes Nokia, Sony/Ericsson, Motorola et Matsushita/Panasonic. Fin 2006, 100 millions de téléphones mobiles avaient été vendus avec cet OS. C’était le seul système d’exploitation européen.
Le deuxième était le système d’exploitation propriétaire multitâches BlackBerry OS pour téléphones intelligents, développé par la firme canadienne RIM (Research in Motion) à partir de 1999. Les appareils BlackBerry étaient les outils de communication privilégiés des usagers professionnels à cause de la messagerie sécurisée exploitée par RIM. Les mobiles étaient équipés d’un clavier alphanumérique intégré pour faciliter la saisie de textes.
Le troisième système était celui de Microsoft et a plusieurs fois changé de nom. Sortie en 1996 sous le nom de Windows CE, le système d’exploitation mobile de Microsoft a évolué jusqu’à la version 6 en 2006. Un dérivé de la version 3 a été appelé Pocket PC. En 2003 une première version de Windows Mobile est lancée et mise à jour jusqu’à la version 6.5 en 2011.
Le premier téléphone mobile qui devait fonctionner avec du logiciel de Microsoft était le Sendo Z100, présenté comme avant-projet en 2001. Sendo était une société britannique fondée en 1998 par des cadres de Philips et Mororola. Un partenariat a été conclu entre Sendo et Microsoft pour développer un système d’exploitation commun, appelé Stinger, et Micorosoft entrait dans le capital de Sendo en 2001. J’avais obtenu un prototype du Sendo Z100 comme testeur beta. Stinger a été rebaptisé Smartphone 2002 par Microsoft qui n’a jamais réussi à fournir du code fonctionnel à Sendo. L’affaire s’est terminée devant les juges et a occupé la justice pendant des années. Tous les prototypes Zendo Z100 ont dû être retournés au constructeur. J’ai gardé le mien, c’est aujourd’hui une pièce de collection rare.
Aucun des systèmes d’exploitation mobiles décrits ci-avant supportait un écran tactile.
Quelques autres systèmes existaient comme Palm OS, Moblin, Maemo, MeeGo, Tizen, mais ils étaient tous marginaux.
Les portraits des grand-parents et parents les plus célèbres des smartphones sont affichés dans la figure ci-après.
(portraits GSM)
Tout le marché GSM a été perturbé avec l’arrivée du premier iPhone et du premier smartphone Android. Les fabricants d’appareils téléphoniques mobiles de la première heure ont tous voulu développer et commercialiser un smartphone avec un écran tactile pour limiter les pertes de leurs parts de marché, sans succès.
Les modèles résultants sont les frères et soeurs des smartphones iOS et Android. Leur histoire est racontée ci-après.
La fratrie du smartphone
La fratrie du smartphone se compose des appareils mobiles équipés d’un écran tactile fabriqués par les constructeurs présents sur le marché avant 2007, des tablettes et des ordinateurs classiques sous toutes leurs formes : desktops, laptops et nano-ordinateurs à carte unique. Les ordinateurs sont présentés dans le chapitre “L’informatique connectée et partagée”. Les autres sont introduits ci-après.
En octobre 2010, Microsoft présentait la première version du système d’exploitation Windows Phone pour succéder à Windows Mobile. L’interface utilisateur était dénommée Modern UI, avec un système de tuiles dynamiques, très différente de ce que l’on avait l’habitude de voir sur iOS ou Android. En mai 2013, Windows Phone devenait le troisième système d’exploitation mobile, avec une boutique en ligne de Microsoft (Windows Phone Store), dédiée au téléchargement des applications pour Windows Phone avec plus de 200 000 fichiers. La boutique a été fermée en 2016 avec le remplacement de Windows Phone par Windows Mobile 10. En décembre 2019 Microsoft annoncait la fin du support de cette dernière mouture. L’aventure mobile de Microsoft était terminée.
En 2008, Nokia achetait 100% des droits de Symbian OS et décidait de le porter en source libre. Malgré cette initiative, le déclin de Sybian sur le marché continuait. En novembre 2010, Symbian recevait un soutien inattendu de la part de l’Union européenne et de 24 entreprises unies dans un nouveau consortium Symbeose (pour «Symbian – the Embedded Operating System for Europe»). La Commission Européenne était décidée à ne pas laisser Apple, Google, RIM et Microsoft s’accaparer la totalité du juteux marché des mobiles. Le consortium réunissait des constructeurs de terminaux, parmi eux Nokia, des opérateurs, des universités et des développeurs d’applications de 8 pays européens. Le consortium était subventionné à hauteur de 22 millions d’euros. En février 2011, un ancien cadre de Microsoft, Stephen Elop, devenait le nouveau PDG de Nokia. Il décidait de revenir à une licence propriétaire de Symbian et de remplacer ce système d’exploitation par celui de son ancienne entreprise, Windows Phone. Cette décision amena la Commission Europénne à décider d’annuler son investissement de 22 millions d’euros dans le projet SYMBEOSE. La somme n’avait pas encore été versée. Le rêve de création d’un système d’exploitation mobile pérenne européen était terminé. Dans le cadre de sa réorganisation pour adopter au plus vite Windows Phone, Nokia décidait de confier les activités de support du logiciel Symbian pour ses terminaux mobiles en service à d’autres sociétés. Trois mille développeurs de Symbian ont été transférés à la société de conseil Accenture pour assurer le service après-vente jusqu’en 2016, mais l’arrêt complet du système OS a déjà été annoncé en janvier 2013.
Le premier téléphone mobile de Nokia avec l’OS Windows Phone était le Lumia 800 lancé en novembre 2011. Il était suivi par plusieurs modèles du nom Lumia. En avril 2014, la division services et terminaux de Nokia fut absorbée par Microsoft. Six mois plus tard, la marque Nokia disparaissait et les téléphones Lumia devenaient des Microsoft Lumia. C’était la fin temporaire d’une époque.
Deux ans plus tard, Microsoft commencait à se rendre compte que Windows Phone ne rencontrait jamais le succès escompté et préparait l’enterrement du système. La société finlandaise HMD Global Oy, fondé en 2014 par des anciens cadres de Nokia, a racheté en 2016 une partie des brevets et la marque Nokia, acquis par Microsoft. En janvier 2017 HMD a présenté le premier smartphone Nokia pur Android. La société a en outre entamé la production de nouvelles versions d’anciens appareils Nokia célèbres comme le modèle Nokia 3310. La marque Nokia était de retour. HMD est en 2020 le seul fabricant européen de smartphones.
En 2010 RIM achète le système d’exploitation QNX, compatible POSIX, auprès de la firme canadienne Quantum Software Systems, pour construire sa nouvelle plateforme BlackBerry. En 2013 RIM s’est renommée BlackBerry et, basé sur le nouveau OS, a lancé son premier smartphone, le BlackBerry Z10. Cet appareil m’a accompagné jusqu’en 2018 où il ne s’est plus rétabli après une mise à jour du logiciel. Je l’ai remplacé par un iPhone X. En septembre 2016 BlackBerry décidait d’arrêter la fabrication de ses intelliphones pour se concentrer sur ses activités de cybersécurité. L’entreprise concluait toutefois un partenariat avec la firme chinoise TCL Corporation qui continuait à produire des téléphones sous la marque BlackBerry, jusqu’à fin août 2020, quand le partenariat avec BlackBerry a pris fin. Dorénavant il faut aller dans un musée technique pour admirer un appareil BackBerry.
Un nouveau smartphone révolutionnaire mort-né
En 2014, Andy Rubin quitta brusquement Google, doté d’un parachute doré de 90 millions US$, pour se vouer à d’autres projets (Footnote : accusation d’agressions sexuelles). Le 9 novembre 2015, Andy Robin créa l’entreprise Essential Products avec l’objectif de développer un nouveau smartphone révolutionnaire pour concurrencer Apple, Google et Samsung. La start-up avait réussi à lever 330 millions US$ auprès de différents investisseurs prestigieux. Le premier produit, baptisé Essential Phone PH1, était annoncé pour juin 2017. Magré des retards de plusieurs semaines dans la livraison du premier smartphone, la startup Essential devenait une licorne (unicorn) en août 2017. Ce terme a été inventé par l’investisseur de capital risque américain Aileen Lee pour désigner une entreprise non cotée en bourse valorisée à plus d’un milliard de US$, ce qui est assez rare, comme une licorne.
Après son lancement, le smartphone PH1 ne rencontrait pas le succès espéré. Malgré de nombreuses réductions du prix de vente, la distribution du produit se comptait sur les doigts d’une main. En outre les quelques usagers de ce smartphone ont rapidement signalé une avalanche de problèmes de logiciel et de conception. C’était un échec complet. L’entreprise a été obligée de licencier 30% de son personnel en octobre 2018 et elle s’est alors focalisé sur un autre projet, appelé smartphone GEM. Des prototypes dévoilés par Andy Rubin sur son compte Twitter en octobre 2019 avaient le curieux format d’une télécommande allongée, aux couleurs flashy. Quatre mois plus tard, Essential a annoncé le 12 février 2020 dans un communiqué sa fermeture définitive. La licorne était morte et le smartphone GEM ne verra jamais le jour.
Tablettes et phablettes
Une tablette peut être considéré comme un smartphone avec un grand écran, sans la fonctionnalité classique de téléphonie. On peut la définir également comme un intermédiaire entre l’ordinateur portable et le smartphone. Wikipedia définit la tablette comme «assistant personnel ou ordinateur portable ultraplat qui se présente sous la forme d’un écran tactile sans clavier et qui offre à peu près les mêmes fonctionnalités qu’un ordinateur personnel».
Les tablettes sont capables de se connecter à un raccordement Internet fixe via un réseau sans fil, grâce à la technologie WiFi. De nombreux modèles peuvent aussi se connecter directement à l’Internet via un réseau de téléphonie cellulaire.
A l’exemple de l’iPhone, c’est Apple qui a réussi à rendre la tablette populaire auprès du grand public avec son iPad. Le premier iPad a été présenté par Steve Jobs le 27 janvier 2010 lors d’une conférence de presse d’Apple à San Francisco. L’iPad a été commercialisé aux Etats-Unis à partir du 3 avril 2010, dans les autres pays à partir de fin mai 2010. Plus que trois millions d’unités ont été vendues dans les trois mois après sa sortie initiale.
L’iPad a été conçu au début des années 2000, avant le développement de l’iPhone. Son nom de travail était initialement iSlate. Les ingénieurs d’Apple étaient d’avis que le marché n’était pas prêt pour un tel équipement et ils l’ont mis à côté pour se focaliser d’abord sur l’iPhone.
Il semble que le premier prototype d’iPad disposait d’une caméra, d’un mini-connecteur USB, d’une prise HDMI, d’une extension pour une carte de mémoire SD et d’un plugin Flash. On dit que Steve Jobs considérait l’iPad comme son dernier bébé et il le voulait ultra-portable et ultra-simple. Il demanda à ses collaborateurs de faire enlever ces conneries, sous le prétexte que les cibles de l’iPad étaient des usagers qui se fichent de la technique.
La présentation de la deuxième génération de l’iPad le 2 mars 2011 se faisait également par Steve Jobs, malgré le fait qu’il était en congé de maladie depuis janvier pour une durée indéterminée. (Footnote : greffe du foie en avril 2009) Il est mort quelques mois plus tard, le 5 octobre 2011.
Contrairement au premier modèle, l’iPad 2 disposait d’un appareil photo, d’une caméra de face et d’un système d’exploitation compatible avec l’iPhone. Depuis, plus de 20 modèles ont été lancés par Apple. Toutefois, les connecteurs prévus sur le prototype du premier modèle, de même que Flash, n’ont jamais été ajoutés aux iPads.
En octobre 2018, Tim Cook annonçait que Apple avait écoulé plus que 400 millions d’unités dans le monde depuis l’introduction de l’iPad. En même temps, Apple déclarait qu’elle ne voulait plus communiquer les nombres de produits vendus. Dorénavant il faut donc se baser sur des estimations.
La première tablette Android, nommé Galaxy Tab, a été présentée par la société coréenne Samsung Electronics au salon international de la radiodiffusion de Berlin (IFA) en septembre 2010. Ce modèle était basé sur la version Android 2.2 qui n’avait pas été optimisée pour fonctionner sur un large écran. Deux mois après sa sortie, la Samsung Galaxy Tab était vendue à plus de 600 000 exemplaires.
Apple avait porté plainte que le design de la tablette Android de Samsung violait la propriété intellectuelle de son iPad. En août 2011, le Galaxy Tab a été temporairement interdite de commercialisation en Europe à la suite d’une décision d’un tribunal de Düsseldorf.
Le terme phablette est apparu au début des années 2010 pour désigner des smartphones avec un écran plus large respectivement des tablettes avec un écran plus petit. L’augmentation progressive de la taille des écrans et la suppression des bordures des smartphones, combinée avec la commercialisation de tablettes compactes comme l’iPAD mini, présenté en octobre 2012, on conduit à l’abondon du terme phablette.
En 2020, un seul système d’exploitation domine le parc mondial des smartphones et tablettes : Android, symbolisé par la mascotte d’un petit robot vert BugDroid qui a été créé par la graphiste Irina Blok. Google offre avec Android un système d’exploitation mobile gratuit à source libre et un kit de développement (framework) à tous les fabricants qui sont libres d’ajouter leurs propres couches de logiciel et leurs propres fonctionnalités. Android est devenu un vaste écosystème qui détient une part de marché global supérieur à 90%. Ce modèle économique permet de fabriquer des phablettes à des prix très bas. En 2018 j’avais acheté pour mes petits-enfants trois appareils Android Selectline pour quelques dizaines d’euros.
Ils les utilisent en voiture pendant de longs trajets pour regarder des films que j’ai installés et configurés. Les différentes aventures des trois petits cochons sont leurs films favoris.
Bibliographie
- Dans les familles à 5 générations, je demande les arrière-arrière-grands-parents
- Premières images de Microsoft Stinger, le “windows du téléphone”, Clubic, 2001
- Mobilité : Bruxelles fait de Symbian un OS “vital” en Europe, Channel News, 2010
- Bruxelles et une vingtaine de partenaires industriels viennent en aide à Symbian, L’Usine Nouvelle, 2010
- Symbian : l’UE annule les 22 millions d’euros pour SYMBEOSE, GNT, 2011
- Nokia and Accenture Close Symbian Software Development and Support Services Outsourcing Agreement, Accenture, 2011
- Symbian : Nokia transfère les activités à Accenture, GNT, 2011
- Histoire des premiers écrans et écrans tactiles, Cigref, 2012
- Quand la domination du leader contribue au déclin : analyse de l’écosystème d’affaires Symbian et rôle de Nokia, i3, 2012
- Nokia, la chronologie, Journal du Geek, 2014
- Fin des mobiles Nokia : retour sur 13 téléphones cultes de la marque, 01net, 2014
- BlackBerry arrête de construire ses smartphones, Numerana, 2016
- Pourquoi Windows Phone a échoué ? Un ancien de Nokia explique ce qui s’est vraiment passé, Phonandroid, 2019
- Fin de Windows Phone : Microsoft propose de passer à la concurrence, Les Numériques, 2019
- BlackBerry meurt une deuxième fois sur le marché des smartphones, Numerama, 2020
- Histoire et évolution des téléphones cellulaires
- Entwicklung der Funktechnik im Bereich der Polizei, Feuerwehr und des Katastrophenschutz, Verkehrsradar, Klaus Pfaffenholz
- Les 8-14 ans, une génération de “smartphone natives” qui lit peu sur écran, ActuaLitté, 2017
- LES 8-14 ANS :L’ÉMERGENCE D’UNE GÉNÉRATION DE« SMARTPHONE NATIVES », Hadopi l’Essentiel, 2017
- On a rencontré les « digital natives » qui refusent le smartphone, l’ADN, 2019
- A brief history of the tablet, Advanced Computers
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