Après l’obtention du diplôme d’ingénieur à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Zurich (EPFZ) en 1973, j’ai eu la chance d’être engagé comme assistant de recherche à l’Institut d’Electronique, dirigé par le Professeur Walter Guggenbühl.
L’étude des semi-conducteurs restait un pilier de la recherche fondamentale effectuée à l’Institut d’Electronique, mais on s’orientait progressivement vers la recherche appliquée, notamment avec l’arrivée sur le marché des premiers microprocesseurs.
Jusqu’au début des années 1970, les différents composants électroniques, nécessaires au fonctionnement d’un processeur, ne pouvaient pas tenir sur un seul circuit intégré, ce qui nécessitait d’interconnecter de nombreux composants. En 1971, la société américaine Intel réussit à placer tous les composants qui constituent un processeur sur un seul circuit intégré, donnant ainsi naissance au premier microprocesseur à 4 bits, le 4004 d’Intel. Cette puce était d’abord produite en exclusivité pour la firme japonaise Busicom qui construisait une nouvelle ligne de calculatrices. Après avoir fait lever la clause d’exclusivité, Intel annoncait le 15 novembre 1971 la commercialisation du microprocesseur 4004 et de ses puces de support en tant que Micro Computer Set
MCS-4.
Les créateurs du 4004 étaient deux ingénieurs d’Intel : Marcian Hoff, responsable pour l’architecture, et Federico Faggin, responsable pour la fabrication sur base de sa nouvelle technique dite de « self-aligned gates » qu’il avait mise au point à Fairchild Semiconductor trois ans plus tôt.
Le processeur 4004 était rapidement suivi par le processeur 8008 à 8 bits qui a été destiné à l’origine à la société Computer Terminal Corporation (CTC) pour l’utilisation dans son terminal programmable Datapoint 2200. Toutefois la puce fut livrée en retard et ne remplissait pas les exigences de CTC.
Les processeurs Intel 4004 et 8008 étaient les précurseurs des Intel 8080, Zilog Z80 et de la famille des Intel x86. A la même époque, la société américaine Motorola effectuait des travaux et innovations similaires sous la direction de l’ingénieur Chuck Peddle, venu de General Electric. Il a participé au développement du microprocesseur Motorola 6800, puis il a quitté Motorola pour développer les microprocesseurs 6501 et 6502 auprès de la société MOS Technology, filiale de Texas Instruments. Le processeur 6502 a connu un succès phénoménal en raison de son petit prix et de ses performances et il a été adopté pour de nombreuses consoles de jeu et d’ordinateurs personnels.
Contrairement aux microprocesseurs d’Intel, les microprocesseurs de Motorola et de MOS Technology avaient une architecture très élégante et orthogonale qui se prêtait très bien pour l’enseignement des techniques associées à ces nouveaux composants électroniques. A l’Institut d’Electronique on décidait en 1975 de se baser sur le processeur MC6800 pour construire des micro-ordinateurs à utiliser en laboratoire dans les cours pratiques par les étudiants.
Pour commander le micro-ordinateur on avait besoin d’un terminal qui se composait d’un clavier et d’un dispositif d’affichage. Si on trouvait des claviers bon marché au milieu des années 1970, il fallait payer une fortune pour l’acquisition d’un moniteur. Comme tous les postes de travail au laboratoire électronique, où se tenaient les cours pratiques, étaient équipés d’un oscilloscope, l’idée naissait d’utiliser ces instruments de mesure pour afficher les données de commande des microprocesseurs.
J’avais vu que dans un nouveau oscilloscope haut de gamme de la série 7000 de Tektronix on affichait des lettres alphanumériques moyennant huit coordonnées, enregistrées dans une mémoire à lecture seule (ROM) propriétaire. En utilisant une mémoire programmable (PROM) dans un circuit équipé de quelques puces (compteur, amplificateurs opérationnels, convertisseur d/a) au lieu d’un ROM, j’étais capable de définir ma propre matrice d’affichage de 16 caractères hexadécimaux. Toutes les coordonnées des chiffres et lettres étaient balayées plusieurs fois, en avant et en arrière, avant de passer au caractère suivant, pour réduire la visibilité du faisceau lumineux sur l’écran dans les espaces. La figure suivante montre le croquis original de ma définition de 16 points dans une matrice de 5 x 3 points pour parvenir à ce résultat.
J’avais soumis ce circuit au journal américain Electronic Design pour la rubrique Ideas for Design (IFD) fin 1976. L’article a été publié en février 1977 et voté meilleure idée de l’édition par les lecteurs.
J’avais reçu un chèque de 50 $ US pour la contribution primée, mais après déduction des frais bancaires auprès de l’Union de Banques Suisses à Zurich, il ne me restait que quelques francs suisses.
Une description plus détaillée de l’utilisation d’un oscilloscope pour afficher des données alphanumériques a été publiée la même année dans le numéro 9 du magazine allemand Elektronik, en septembre 1997. A coté du procédé présenté dans le journal Electronic Design, d’autres méthodes de génération des caractères ont été décrites, par exemple l’affichage de 16 rangées à 32 caractères ASCII , respectivement l’écriture de données binaires “0” et “1” moyennant des courbes de Lissajous.
Le numéro 10 du journal Elektronik présentait ma contribution au sujet de l’utilisation d’un oscilloscope pour afficher des données graphiques. Le coeur du système était une mémoire vive (RAM) de 8 KByte qui permettait d’afficher 256 x 256 pixels binaires (noir/blanc) ou 128 x 128 pixels à 4 bits (16 nuances de gris).
Une application de l’affichage par courbes de Lissajous a été démontrée dans la réalisation d’un analyseur logique bas de gamme que j’avais développé à l’institut pour tester l’exécution des programmes sur les micro-ordinateurs MC6800.
Une description du fonctionnement et des circuits de cet équipement a été publiée dans le magazine suisse Elektroniker, édition 5 de 1977.
Un collaborateur scientifique de l’Institut d’Electronique, Dr. Rolf Zinniker, avait créé sa propre société (ZE : Zinniker Electronics) pour fabriquer, en petites séries, les équipements développés à l’institut. Mes dispositifs d’affichage alphanumérique et graphique portaient les désignations ZE 661 et ZE 671.
Lors de mon départ de l’Institut d’Electronique en mars 1978 pour joindre la Division Technique de l’Administration des P&T, Professeur Guggenbühl m’offrait tous les prototypes des équipements que j’avais développé à l’Institut, en guise de compensation des nombreuses heures supplémentaires non rémunérées, que j’avais presté dans le passé.
Lors de mon retour au Luxembourg j’étais donc bien équipé en matériel micro-infomatique, avec de nombreux périphériques, pour évoluer dans ma passion des nouvelles technologies. Et je me suis vite rendu compte que j’avais besoin de ces équipements dans ma nouvelle vie professionnelle, car l’Administration des P&T ne disposait à l’époque d’aucun instrument de mesure numérique, ni de terminal, pour mettre en service et exploiter le nouveau réseau d’alarmes RPTA et le réseau européen de données à commutation par paquets, Euronet Diane, à la fin des années 1970.